Interview du Dr Horman

Médecin généraliste à Houffalize, Stéphane Horman, de nature pourtant discrète, ne peut plus se taire.

Le Dr Stéphane Horman: «Si on compare les hospitalisations d’il y a quelques semaines et celles de maintenant, il faut une loupe pour voir la différence.»

Journaliste : Dr Stéphane Horman, vous êtes médecin généraliste à Houffalize, très attentif à tout ce qui touche la pandémie actuelle et vous n’hésitez pas à faire part de vos avis souvent à contre-courant des experts sur les réseaux sociaux. Expliquez-nous.

Dr Horman : La façon dont les experts induisent une psychose chez les gens est lamentable. Tout vient de là, car ils obligent les politiques à prendre certaines décisions absurdes. Je ne suis pas du tout d’accord avec les experts, surtout maintenant. Et surtout avec leur façon de présenter les choses. Prenons comme exemple le décès de l’enfant de trois ans qui a été l’occasion pour les experts d’affirmer que le virus pouvait se révéler mortel chez tout le monde. Un expert doit savoir de quoi l’enfant est mort. Ce n’était pas du Covid-19. C’est soit de l’incompétence, soit de la malhonnêteté.

Journaliste : Mais très vite le tir a été rectifié, non?

Dr Horman : Parce que le papa a osé parler. Ce témoignage est capital. Oser avouer que sa fille était décédée accompagnée du Covid-19, mais pas du virus a libéré les médias. Cet exemple est typique de ce qui se passe. Depuis plusieurs semaines, on note une scission énorme entre experts flamands qui dramatisent au maximum et wallons qui sont devenus optimistes. On ressent une grosse tension entre eux, avec comme conséquence que les gens qui ont peur se sentent encore davantage inquiets et que les plus optimistes se sentent renforcés dans leur conviction. Le clivage se creuse.

Journaliste : Pourquoi cette scission chez les experts?

Dr Horman : Je ne sais pas. Je n’ose pas croire qu’il existe une quelconque forme de collusion de certains experts avec des firmes pharmaceutiques.

Journaliste : Vous dénoncez l’usage fait de certains tableaux.

Dr Horman : C’est une faute scientifique. Je ne supporte plus ces tableaux omniprésents dans lesquels on compare des choses différentes pour créer une psychose. Comment ose-t-on comparer d’un côté les cas positifs de mars et ceux d’aujourd’hui? Remettons les données dans leur contexte. En mars, les cas positifs n’étaient rien d’autre que les entrées à l’hôpital. On ne testait personne d’autre. Ces chiffres ne représentaient en rien le nombre de cas positifs qui existaient à l’époque. Il y en avait des centaines de milliers en plus des 70 000 «officiels». Exemple, j’ai eu 43 appels de patients présentant des symptômes le 23 mars, aucun de ces cas ne rentre dans les statistiques de mars car on ne testait pas à l’époque. Aujourd’hui, on teste énormément. Les chiffres d’aujourd’hui sont plus proches de la réalité en ce qui concerne les cas positifs.

Journaliste : Mais il y a des cas positifs aujourd’hui?

Dr Horman : Oui, il y a forcément des cas positifs, mais très peu d’hospitalisations. Un cas positif en mars n’égale pas un cas positif maintenant. Ce qu’il faut, c’est comparer les hospitalisations en mars et celles aujourd’hui. Et si vous regardez ces chiffres, tout est dit.

Journaliste : Et concernant la situation aujourd’hui, vous expliquez que la courbe de cas positifs qui s’élève est moins révélatrice que la courbe des hospitalisations.

Dr Horman : Évidemment, ces derniers temps, on avait une courbe de cas qui semblait s’élever, mais si on compare les hospitalisations d’il y a quelques semaines et celles de maintenant, il faut une loupe pour voir la différence. Et encore, c’est biaisé, car il y a un effet tampon, en raison des longues hospitalisations. Il convient de s’attarder uniquement sur l’augmentation des hospitalisations, qui est ridicule.

Journaliste : Estimez-vous que les mesures prises aujourd’hui sont excessives?

Très excessives aux endroits où il n’y a pas de cas comme en Belgique, à l’exception de quelques zones. Le nombre de villes, de communes avec zéro cas est important. Le port du masque dans les centres-villes, ça rassure les gens. Voilà une bonne chose, mais c’est tout. Quant à l’efficacité du masque, comme il est porté, c’est zéro. Je dirais qu’il est efficace parce qu’il n’y a pas de virus. La plupart le garde plusieurs jours, le met en poche, l’emmène partout. Le masque pourrait être utile, bien utilisé. Ce n’est pas le cas. Par contre, le lavage de main reste important.

Journaliste : Il n’y a pas de cas dans de nombreuses communes, mais les asymptomatiques ?

Dr Horman : À ceux qui me parlent de présence d’asymptomatiques partout, je réponds que si tout le monde est asymptomatique, il n’y a plus de maladie. S’il devait y avoir des asymptomatiques, il y aurait forcément des cas présentant des symptômes aussi. Donc, non. De surcroît, de plus en plus d’études montrent que les asymptomatiques sont moins contagieux. Les cas détectés maintenant sont des personnes qui n’ont pas été touchées par la première vague, sachant que toute la population ne va pas contracter le virus. On estime qu’environ 15 à 20% de la population sera concernée. La première vague a sans doute déjà contaminé beaucoup de personnes qui devaient l’être. Le rebond concerne quelques petits foyers. Il faut laisser circuler le virus qui n’est pas dangereux sur les jeunes et s’il n’y a plus assez de personnes disposées à être touchées par le virus, il disparaîtra de lui-même. Les personnes âgées doivent être protégées en attendant que le virus disparaisse de lui-même.

Journaliste : Vous craignez une seconde vague?

Dr Horman : Non, je ne pense pas qu’il y aura une deuxième vague en Belgique. Il n’en va pas de même partout. Le Luxembourg et l’Allemagne ne sont pas dans le même cas. Pour mesurer objectivement la pénétration du virus, on retient le nombre de décès dus au Covid-19 par milliers d’habitants. Quand on compare les pays qui n’ont pas ou très mal confiné (Suède, Hollande, Angleterre), ils arrivent à un quota de décès quasi identique. En Belgique, on a compté n’importe comment et on a mal confiné. Pour ces pays-là, on voit bien que le taux de pénétration est élevé pour la première vague. Par contre, ceux qui ont très bien confiné et contenu le virus comptent moins de morts, mais il leur reste à payer un plus lourd tribut. Eux doivent se battre contre une deuxième vague. Sauf si un traitement est découvert.

Pour bien faire comprendre comment le virus disparaîtra, Stéphane Horman nous donne une image. «Imaginons que ma main est le virus et se nourrit de bonbons, dit-il. Elle plonge dans le sachet de bonbons et en ressort avec plein de friandises. Elle les mange et remet dans ce sachet tous les emballages. Elle replonge chercher une poignée, mais elle en prend moins car elle revient aussi avec des emballages. À remettre à chaque fois les emballages, au fur et à mesure, elle ne trouvera quasiment plus de bonbons pour se nourrir et mourra. Le rebond, c’est une poignée de bonbons que l’on a oubliée.»

«La détresse est immense» Le Dr Horman reçoit dans son cabinet beaucoup plus de personnes qui souffrent psychologiquement. Il n’hésite pas à parfois leur imposer «une désobéissance civile».

«Beaucoup plus de gens sont mal dans leur peau, explique-t-il. J’ai exigé de certaines personnes qu’ils coupent leur bulle sociale, tellement ils étaient dans des états psychologiques de détresse. Une forme de désobéissance civile qui se retrouve dans la loi. J’ai d’ailleurs établi des papiers autorisant les contacts plus nombreux que la bulle à certaines personnes eu égard à une série de conditions, dont l’absence de virus, et l’importance des contacts physiques dans leur état.» C’est en quelque sorte la notion de «bénéfice/risque» qui met en balance les bénéfices retirés des contacts et les risques qui y sont liés. «Je regrette que l’on prenne des décisions pour les personnes âgées sans leur demander leur avis, dit-il. Beaucoup préféreraient prendre un risque minime, mais avoir un contact avec la famille et les proches.

Cette bulle à cinq, c’est abominable.La perspective de la fin de l’été ajoute aux craintes du médecin généraliste quant à l’état psychologique des personnes. «On arrive en automne. Si on ne permet pas aux gens de relâcher la pression maintenant, ça sera catastrophique. La détresse est immense, pense-t-il. Et je parle de soucis psychologiques liés à la maladie. Ça sera le double quand on y ajoutera ceux liés à l’économie. Imposer des décisions comme celles d’aujourd’hui est irresponsable par rapport à la société. La situation permet un relâchement.»